115 000 euros le mètre

 

115 000 euros le mètre, 115 euros le millimètre !

Vous aimeriez bien savoir ce qui peut coûter une somme pareille.

Votre temps est précieux (sans mauvais jeu de mot) le nôtre aussi, alors je lève le voile et vous donne la réponse : L’A104 ! Ou plus précisément les 22 km du projet de prolongement de l’A104 entre Méry sur Oise et Poissy – Orgeval. Il n’est pas nécessaire d’être Enarque ou Polytechnicien pour faire la division suivante : 2 530 000 000 euros divisés par 22 km = 115 000 euros pour 1 mètre d’autoroute !

Mais, me direz-vous, construire une autoroute, c’est coûteux, c’est peut être le prix après tout ? On n’en sait rien. Et bien si, on sait. Depuis le 03/12/1998 et la question écrite n°12598 de Jean-Pierre Raffarin concernant le prix de réalisation des autoroutes en Europe. Plus précisément, on le sait depuis la réponse qu’en a donnée le ministère de l’équipement le 04/03/1999 et qui est la suivante (je vous passe les détails) : «  En zone urbaine […] le coût moyen de construction [pour la] France (13,9Millions d’euros) [par km]. » Donc, la moyenne des coûts de fabrication pour une autoroute en zone urbaine était , vers l’an 2000,  de 13900 euros le mètre. C’était déjà une somme non négligeable ...  mais pour le projet A104, on en est à plus de 10 fois cette somme !!§

Cette première analyse nous renseigne un peu quant au caractère singulier de notre dossier de prolongement autoroutier. C’est un gouffre financier majeur !

Mais maintenant que l’on sait qu’il serait excessivement cher, une question nous brûle les lèvres : Serait-il le plus cher ? Ce projet de prolongement au coût astronomique est-il le projet autoroutier qui engouffrerait la somme la plus colossale jamais consacrée à une autoroute (qui,  je le rappelle, ne boucle pas l’A104 mais la prolonge uniquement jusqu'à l’A13 où elle se terminerai en cul de sac sur une autre autoroute déjà saturée). En monopolisant cette somme il hypothèquerait d’autant les projets relatifs à l’amélioration des transports de la Région qui s’appuient sur d’autres modes que celui de l’autoroute.

A-t-on déjà fait acte d’aussi peu de retenue quant à l’utilisation de fonds qui manquent tant dans d’autres secteurs ? Et bien la réponse est non ! On la trouve une nouvelle fois sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/rap/l97-479/l97-47962.html. En effet, l’autoroute française la plus coûteuse jamais réalisée jusqu'à présent est le tronçon d’environ 16 km que l’on appelle l’A14. Cette autoroute avait coûté en 1995 la modique somme de 4,6 milliards de francs !! Soit 290 millions de francs le km ! N’oublions pas la conversion francs/euros.

290 millions de francs, cela fait (seulement) environ 44 millions d’euros pour un km contre 115 millions pour le prolongement de l’A104 ! Et encore, ces chiffres sont difficilement comparables car le premier est un coût « réalisé » alors que le second est un coût « estimé ». Or, l’enveloppe globale avancée lors du débat publique de 2006 de 2 Milliards d’euros en est déjà à 2,5 voire 3 selon les « options » et l’on sait aussi (dixit la cours des comptes) que les dépassements de budget pour ce genre d’ouvrage peuvent atteindre 70% !! Il n’est donc pas absurde de penser que le coût total du prolongement de l’A104 pourrait s’élever à plus de 150 millions d’euros au km si elle se réalisait. Du jamais vu, et de très très loin !

A titre de comparaison, le projet de Ligne à grande vitesse (LGV) qui doit relier Le Mans à Rennes en 2013 pour un montant comparable de 2,4 milliards d’euros, mais pour un trajet de 150 km aura un coût kilométrique 9 fois plus faible !

La formidable autoroute A43, bourrée d’ouvrages d’art qui traverse la vallée de la Maurienne et qui a tant défrayé la chronique lors de sa réalisation, notamment par le fait qu’elle a coûté bien plus cher que prévu (8,5 Milliards de francs au lieu des 6,5 prévus à la base pour 127 km). Elle passe pour une naine financière, devant le prolongement de l’A104,  avec ses 10,3 Millions d’euros au km.

Décidément, avec ce projet de prolongement de l’A104, on dépasse toutes les limites, même celles du bon sens et de l’entendement…