Rapport de la commission d'enquête publique SDRIF-E

Le projet de Schéma Directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF-E), plan qui guidera l’aménagement du territoire jusqu’en 2040, a été soumis à enquête publique du 1er février au 16 mars 2024. 

Vous trouverez sur le site https://www.registre-numerique.fr/sdrif-e/rapport le rapport de la commission d’enquête publique sur le SDRF-E. Celui-ci sera voté à la Région le 10 juillet 2024. (voir aussi, en pièce, jointe les conclusions de ce rapport).

Malgré 8 735 avis très majoritairement hostiles au projet, la commission d’enquête a émis un avis favorable assortie de 36 recommandations que la majorité régionale de droite n’a aucune obligation de suivre.

Malgré cet avis favorable, le rapport reste très critique sur le document présenté. Nous en donnons ici un verbatim, bien-sûr non exhaustif.

 

Sur l’artificialisation des sols

Dans cet avis, la commission confirme que la trajectoire de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) indiquée dans le projet de SDRIF-E est insincère. La consommation réelle déjà planifiée dépasse ce qu’autorise la loi et ne permettra pas la tenue des objectifs prévus en 2040.

  • « La commission d’enquête s’interroge sur le réalisme de la trajectoire affichée une fois effectuée la mise à jour du projet de SDRIF-E concernant la loi ZAN » page 22
  • « La commission d‘enquête remarque et regrette l’aspect peu prescriptif de la grande majorité des orientations règlementaires pouvant nuire à l’atteinte des ambitions affichées par le SDRIF-E. » page 23
  • « Jusqu’au 22 février 2028, des projets d’aménagement peuvent être approuvés et mis en œuvre par les communes, même en dépassement des capacités de consommation d’espaces octroyées par le SDRIF-E (sous réserve de respecter les dispositions du SDRIF 2013). » page 26, alors qu’un moratoire sur la consommation d’espaces agricoles s’impose dès maintenant.

 Il en souligne les manques comme :  

  • « La commission d’enquête juge indispensable d’encadrer et de suivre la mise en œuvre et la réalisation des projets de compensation et de renaturation » page 23
  • « Il apparaît ainsi essentiel « d’améliorer le suivi de l’artificialisation par une évaluation scientifique de la qualité écologique des sols » » page 24
  • « La commission d’enquête regrette, comme l’autorité environnementale (Ae), l’absence d’inventaire des zones d’activité existantes et d’appréciation de leur potentiel de densification. » page 26
  • « La commission d’enquête pense qu’il serait également utile de pouvoir apprécier la qualité des terres ce qui permettrait de « discriminer » l’artificialisation éventuelle des sols et ce avant le ZAN. » page 51 et recommandation 32 : Qu’un outil de mesure qualitative des terres agricoles, dont les critères seront à définir, en liaison avec les chambres d’agriculture, soit mis en place au niveau Ile-de-France afin de classer les terres agricoles pour protéger en priorité celles de grande qualité

 

Sur la politique logements,

L’avis est aussi très critique sur la politique de logement préconisé :

  • « La commission d’enquête est dubitative face à la mise en œuvre de ce cadrage d’ensemble (page 35)
  • la démonstration de la région sur la nécessité de 70 000 logements à produire en moyenne annuelle d’ici 2040 n’est pas vraiment faite et devient floue à certains moments,
  • Adopter un SDRIF-E qui, d’emblée, divergerait de la politique arrêtée par le SRHH pour les six premières années, donc jusque vers 2030, serait paradoxal,
  • Les concepts de mixité fonctionnelle veulent que l’on ne construise l’indispensable création d’ensembles immobiliers que si l’emploi et le cadre de vie accompagnent de manière opérationnelle et non optionnelle ou incantatoire. Or sur la production de logement, le sentiment d’ensemble est tout de même celui d’un exercice assez théorique »

Par ailleurs elle acte également la fin de toute valeur prescriptive de la « clause anti-ghetto ». Cette clause avait l’ambition d’interdire la construction de logements sociaux dans les communes comptant plus de 30% de logements PLAI/PLUS.

Enfin elle souligne encore des manques :

  • « La région a écarté toute responsabilité dans la gestion de situations comme logement d’urgence, habitat étudiant, habitat des gens du voyage, personnes âgées et personnes handicapées, etc, alors que rien n’interdisait d’aborder ces situations de manière plus volontariste dans le SDRIF-E. » page 35

 

Sur le projet RD130-RD190 (Yvelines) :

« Pour la Région, le projet de liaison RD30-RD190, inscrit au SDRIF-E, est un projet de desserte de la vallée de Seine : c’est une opération structurante pour le département des Yvelines. Mais il n’est pas assimilable à un contournement routier régional dédié au trafic de transit tel que l’A 104. La Région signale au passage qu’elle n’a pas inscrit au SDRIF-E le projet de bouclage à l’ouest de l’A104.

Et dans la vallée de la Seine, les projets de développement urbains à venir (ZAC, arrivée du tram 13 express, EOLE ...) rendent nécessaire la réalisation de cette liaison routière, pour améliorer leur desserte et préserver le désengorgement de Poissy qui sera permis par la mise en en service du T13.

Si on parle d’améliorer la desserte de nouveaux moyens de transports, on comprend difficilement pourquoi cette desserte doit se faire en véhicules particuliers. S’il s’agit de construire de nouveaux cheminements cyclables et de nouvelles voies de bus, on comprend aussi difficilement pourquoi une voie rapide en serait le support.

Cependant, la commission d’enquête note l’objectif de désengorgement de Poissy pouvant être acté au titre de l’OR129 et la poursuite des procédures d’évaluation du projet à venir qui intègre la réalisation du pont d’Achères » page 41 Comprenne qui pourra !

 

Sur les mobilités :

La commission recommande la réintégration du projet de Ligne Nouvelle Paris-Normandie (LNPN) dans le SDRIF-E :

  • « Que la Région complète en pointillé la carte 1 « Maîtriser le développement urbain » par le projet de mobilité d’intérêt national Ligne Nouvelle Paris Normandie. » Recommandation 4.

Là encore elle demande des précisions :

  • « Qu’une projection à dix ans du projet d’aménagement régional des mobilités avec les priorités retenues soit définie avant l’approbation du SDRIF E. » Recommandation 3
  • «  La commission d’enquête regrette qu’aucun plan ne fasse apparaître la volonté d’extension de nouveaux tracés ferroviaires »

 

Sur la biodiversité, bruit et qualité de l’air, espaces verts

La commission d’enquête souligne les manques :

  • « Compte tenu de l’importance prise par cette notion de biodiversité, la commission d’enquête pense qu’il serait utile d’en faire le rappel dans ce projet de SDRIF-E. » page 44
  • « La commission d’enquête regrette que l’enjeu de santé publique que représente le bruit généré par le trafic aérien n’ait pas été davantage développé dans le « Projet d’aménagement régional » compte tenu de l’accentuation de ces nuisances constatées depuis le SDRIF de 2013. » Page 45
  • « A l’instar de ce que propose l’Autorité environnementale, et afin de pallier le caractère imprécis et peu prescriptif des orientations destinées à préserver la santé humaine, la Région devra intégrer aux OR (notamment l’OR 70) des dispositions prescriptives pour les documents d’urbanisme locaux et pour les projets d’aménagement pour permettre de réduire effectivement l’exposition des populations à une qualité de l’air dégradée et au bruit. » Recommandation 21
  • Que la liste des 145 espaces verts et de loisirs d’intérêt général soit publiée en annexe de ce SDRIF-E au même titre que la liste des continuités écologiques d’intérêt régional qui figure en annexe 1 des Orientations Réglementaires (pièce 2.2), et qu’une mise à jour régulière des créations d’Espaces verts et de loisirs d’intérêt régional soit publiée annuellement. Recommandation 14

 

Sur les énergies renouvelables

Là aussi le SDRIFe est incomplet :

  • « La commission d’enquête pense qu’il aurait été bien utile pour orienter le choix des collectivités territoriales qu’une carte des zones favorables aux implantations des éoliennes en Ile de France figure dans le dossier du SDRIF-E mis à l’enquête » page 48 et Recommandation 30 : Que dans le dossier du SDRIF-E soit ajoutée une carte des zones favorables à l’implantation d’éoliennes en Ile de France.
  • « La commission d’enquête regrette cependant que la Région n’ait pas rappelé l’un des objectifs de la Loi N°2023-175 du 10 mars 2023 dite « APER » relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont l’article 40-I dispose que : « Les parcs de stationnement extérieurs d'une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés sont équipés, sur au moins la moitié de cette superficie, d'ombrières intégrant un procédé de production d'énergies renouvelables sur la totalité de leur partie supérieure assurant l'ombrage » page 48
  • « Sur la méthanisation, la commission d’enquête regrette que les avantages apportés par la méthanisation n’aient pas été plus largement développés. » page 49
  • « L’exploitation de la géothermie aurait mérité un plus large développement notamment sur les avantages qu’elle présente en matière de décarbonation. » page 50

 

Bref, cet avis est très politique et décevant. L’aménagement de territoire ne répond ni à l’intérêt des populations, ni à la prise en compte du défi climatique qui est devant nous. Les mobilisations citoyennes vont donc devoir se poursuivre pour promouvoir une autre vision de l’aménagement du territoire.